Gallions : 76
Le chaos rongeait cette ville. Le feu, les cris, la peur et les blessés... Voilà ce qui se passait lorsque des dragons n'étaient plus tenus. Voilà ce qui se passait, lorsque tout partait en vrille. Les dragons étaient une force de la nature, des êtres épatants et mortellement dangereux ; c'était précisément ce qu'Anastasiya avait toujours le plus aimé chez eux. Ils étaient souvent imprévisibles. Mais là, ce n'était pas eux. Pas totalement. Les dragons n'étaient pas responsables, personne ne pouvait les blâmer. Il y avait ce mal, qui les rongeait, qui les rendait fous. Leur comportement était loin d'être tout à fait normal, ce qui rendrait les choses d'autant plus difficiles pour eux, pauvres sorciers désemparés. Les dresseurs de dragons avaient été mobilisés et Anastasiya n'avait pas hésité une seule seconde à répondre à l'appel. On ne pouvait pas s'improviser dresseur. Et au vu de la situation, ces derniers étaient aussi utiles que les médicomages sur place. D'ailleurs, elle se doutait bien que sa sœur devait déjà être sur place, elle aussi, en train de porter secours aux blessés. Une raison supplémentaire – s'il en avait fallu une – pour que la femme quitte son Écosse et se rende à Caerphilly. Arrivée sur place, elle n'avait pas eu à attendre longtemps avant qu'on lui fasse un topo de la situation. Un topo bref, concis, peut-être un peu trop. Elle avait besoin d'un peu plus de détails que ce qu'on voulait bien lui donner pour faire correctement son boulot. Ne serait-ce que parce qu'elle ne pouvait agir de la même façon face à un Magyar à Pointes que face à un Norvégien à Crête... Il fallait garder la tête froide. Ne pas paniquer. Ne pas se laisser aller à la moindre hésitation. Elle n'aurait qu'une seule chance, face à un dragon. Une seule.
Elle aurait pu trouver magnifique le spectacle de ces êtres gigantesques perchés sur les toits des maisons ou volant dans le ciel, crachant furieusement leur feu, si la situation n'avait pas été aussi critique. Ce n'était pas le moment d'être épatée par leur beauté époustouflante. Ils souffraient. Ils souffraient, eux, et ils n'étaient pas les seuls. Le spectacle sur la terre ferme était bien moins beau que ces êtres titanesques qui crachaient leur rage au-dessus de leur tête. Du sang, de la chair carbonisée, des cris. Et cette incompréhension, à la limite du supportable, qui flottait dans l'air. Tout était étouffant, et dans sa combinaison spécialement conçue pour ne pas craindre le feu, Anastasiya suffoquait presque. Une légère envie de vomir lui remontait vicieusement le long de l’œsophage, lui provoquant quelques haut-le-cœur alors que son regard passait de blessé en blessé. Il fallait qu'elle fuit ce carnage. Qu'elle fasse ce qu'elle était venue faire. Elle n'était d'aucune utilité, au milieu de tous ces corps qui souffraient, de toutes ces larmes. Mais elle ne savait pas par où commencer. D'autres dresseurs s'étaient déjà répartis à travers la ville entière, elle le voyait aux sorts qu'elle voyait fuser en direction des dragons. Mais il y en avait tellement. Partout. Et ils étaient bien déterminés à tout détruire sur leur passage. Comment raisonner un dragon qui souffre ? Comment raisonner une créature aussi têtue et brutale, lorsque cette dernière a décidé de la fin du monde ? Elle n'eut pas le temps de réfléchir plus sérieusement à la question qu'un homme du Ministère l'alpagua, pour l'envoyer au Nord de la ville. Un Boutefeu Chinois était en train d'y semer la panique, et il fallait le maîtriser au plus vite. Maudissant intérieurement son manque de chance sur ce coup là, l’Écossaise se rendit sur le lieu, espérant y trouver d'autres dresseurs ; ils auraient besoin d'être plusieurs pour réussir à maîtriser un dragon de cet ampleur.
« Vous ! » Interpella-t-elle sans grande douceur une femme, qui n'avait visiblement pas grand chose d'une dresseuse de dragons. « Il ne faut pas rester ici ! Il y a un Boutefeu, et croyez-moi, ils sont aussi dangereux que le plus féroce des Magyars. Vous êtes bénévole ? » Anastasiya s'approcha de la femme, sa baguette à la main. Elle aurait tout aussi bien pu tomber sur une moldue, d'ailleurs, mais l'idée ne lui avait même pas traversé l'esprit. Elle avait suffisamment de choses à penser pour ne pas ajouter en plus la possibilité de se retrouver nez à nez avec une simple moldue. Des flammes, en forme significative de champignons, s'élevèrent d'entre deux maisons et Anastasiya se précipita sans plus se poser la moindre question vers la femme, pour l'attraper par le poignet et l'attirer avec elle vers une grande maison, lançant un « Alohomora » précipité pour en déverrouiller la porte et s'engouffrer à l'intérieur de la bâtisse, refermant derrière elle et l'inconnue dans la foulée. Son cerveau bouillonnait. Le dragon n'allait pas mettre longtemps à réduire en cendres cette maison, mais c'était pour le moment l'abri le plus sûr qu'Anastasiya ai trouvé, dans le feu de l'action. « Bordel... Vous avez la moindre connaissance en ce qui concerne les Dragons ? Je suis pas certaine d'avoir le temps de vous faire un cours, là, mais on va clairement pas pouvoir rester planquées bien longtemps. Va falloir trouver une solution, et vite, le Boutefeu ne va pas attendre, lui. » Pour une première approche, il était probablement difficile de faire pire.